Né en 1959, autodidacte, je dessine et je peins depuis plus de quarante ans. Dès le collège j’aimais prendre un crayon et gribouiller, des voitures de sport, des bonshommes rigolos, mes héros de BD ou de livres d’aventure.
C’est en regardant les couleurs de l’automne qu’un déclic s’est produit, j’ai eu soudain l’envie de passer du dessin noir et blanc à la peinture, d’abord à la gouache, pour réaliser des tableaux. Je reproduisais des cartes postales de mon village puis, devenu amoureux de l’impressionnisme, j’allais en plein nature peindre les paysages de la Drôme, du Vercors, de l’Ardèche et plus tard de la Loire et de Lyon.
Je ne faisais pas, à cette époque, attention au fait que l’on s’intéressait à moi pour ma peinture et je ne me rendais pas compte que c’est en tant que peintre que j’existais vraiment.
Ce ne fut pas la philosophie que j’ai étudiée à la Fac de Lyon qui m’a vraiment constitué, bien que je m’y intéresse beaucoup, surtout la philosophie morale et politique, mais c’est peindre que j’aime avant tout.
Après avoir longtemps réalisé des paysages d’après nature, j’ai pris cette habitude de me servir de photographies choisies dans des magazines consacrés à la découverte de régions de France. Cela m’a permis de retrouver l’intimité et la vie intérieure de l’atelier, notamment la nuit et son silence.
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai découvert combien il y a de liberté et de créativité dans la peinture faite d’imagination. Mais à vrai dire, je me sers de tout ce qui peut, d’une manière ou d’une autre, être un facteur déclenchant pour me lancer dans le travail de création, ce peut être un élément d’une peinture d’artiste, un bout de croquis ou de photographie, tout peut être bon pour stimuler l’envie de s’aventurer sur la toile.
Dans mon histoire de peintre, j’ai fait deux rencontres qui ont été décisives dans l’évolution de mon travail : d’abord la découverte de la peinture de Pablo Picasso, puis la rencontre d’artistes qui défendent la peinture dite « hors normes » ou « singulière », échappant à toutes les conventions de l’académisme et qui brise les tabous (religieux ou sociaux). Ce fut pour moi une brèche ouverte dans ma prison du convenu, celui de l’art des galeries. J’étais trop dépendant d’une représentation du réel qui impose sa loi et ses règles.
Picasso et la peinture issue de « l’art brut » m’ont permis de prendre congé de la conception encore trop classique que j’avais de l’art figuratif et je me suis orienté vers une peinture plus vraie, plus instinctive et spontanée jusqu’à utiliser le tube de peinture à la place du pinceau.
L’origine de ces portraits torturés et tourmentés est un autoportrait de Picasso fait peu avant sa mort. C’est un visage aux traits déformés et durs exprimant la terreur et l’effroi. Picasso après Picasso fut face à face avec cette certitude qu’il s’était cachée à lui-même aussi longtemps qu’il a pu : celle de sa mort.
J’ai beaucoup aimé Picasso, son œuvre, sa vie, ses années de bohême à Paris. C’est vrai qu’il aimait l’argent mais il reconnaissait que peindre était pour lui source de joie et il y a fort à parier que si on lui avait laissé le choix entre garder sa fortune et ne plus avoir cette joie de peindre je crois bien qu’il aurait accepté de redevenir pauvre mais de garder son vrai trésor.
Je suis conscient, qu’en peignant la monstruosité de mes visages et des corps, cela va déplaire, plus faciles sont les paysages qu’au demeurant je vends mieux. Mais qu’importe, je me méfie de ce que j’appelle le « miel à mouche », cette joliesse plaisante qui est plus pour la couleur des cadres et le ton de la tapisserie du salon, pour moi l’art c’est autre chose, il se conjugue avec l’exigence d’une vérité qu’on porte en soi. Il faut parfois oser la laideur pour ne tricher en rien et tant pis pour le commerce.
Cependant je parviens aujourd’hui à plus de sérénité et mes portraits, mes personnages, me renvoient quelque chose de plus heureux. Voilà, j’essaie d’être peintre, je sais très bien que le talent ne suffit pas sans l’envie de peindre et la confrontation avec le travail.
On m’a dit un jour qu’il faut être fou pour consacrer sa vie à la peinture, c’est vrai et quel est donc ce mystère qu’il y a à trouver tant de joie et de plaisir à mettre des couleurs avec un pinceau sur quelques centimètres d’une surface blanche ?
A part ce repos que je trouve à peindre la beauté des paysages, tout ce que je fais d’imagination, surtout les figures, viennent du tréfonds et comme l’écrit Rainer Maria Rilke : « une œuvre d’art est bonne quand elle nait d’une nécessité ».
Didier Burgaz
Peintre